Qu’elles soient verbales ou non-verbales, les marques d’attention ont un impact énorme sur le développement d’une personne. Dans le milieu scolaire, familial ou professionnel, elles orientent la réussite dans un domaine ou dans l’autre.
Les marques d’attention, une nécessité vitale
En 1959, année de la présentation de son film, les 400 coups au festival de Cannes, François TRUFFAUT dit dans un article du magasine « Art » avoir été inspiré par une étrange expérience: Au 13e siècle, le roi Frédéric II (qui parlait neuf langues : le latin, le grec, le sicilien, l’arabe, le normand, l’allemand, l’hébreu, le yiddish et le slave) voulut faire une expérience pour savoir quelle était la langue “naturelle” de l’être humain. Il installa six bébés dans une pouponnière et ordonna à leurs nourrices de les alimenter, les endormir, les baigner, mais surtout, sans jamais leur parler.
Frédéric II espérait ainsi découvrir quelle serait la langue que ces bébés “sans influence extérieure” choisiraient naturellement. Il pensait que ce serait le grec ou le latin, seules langues originelles pures à ses yeux.
Cependant, l’expérience ne donna pas le résultat escompté. Non seulement aucun bébé ne se mit à parler un quelconque langage mais tous les six dépérirent et finirent par mourir. Les bébés ont besoin de communication pour survivre. Le lait et le sommeil ne suffisent pas. La communication est aussi un élément indispensable à la vie. L’être humain est un être social, il n’y a pas que le “biologique” qui lui permet de vivre, mais le “social” également.
Dans un autre ordre d’idée, on sait également que chez les personnes âgées, l’isolement social est devenu un enjeu de santé publique.
Nécessaires à la survie, il n’est donc pas étonnant que les marques d’attention influent sur le développement.
Les marques d’attention positives et négatives
Les marques d’attention positives sont celles qui favorisent le développement d’une personne. Positives ne veut pas dire agréables : même si elle peut ne fait pas plaisir à entendre, une critique constructive favorise le développement et sera à considérer comme positive.
Logiquement, les marques d’attention négatives sont celles qui freinent le développement. Toute communication, au sens large, qui instille par exemple le doute ou la manque de confiance en soi est à considérer comme une marque d’attention négative.
Remarques à considérer
- Les marques d’attention peuvent être sources d’énergie positive ou négative
- L’être humain est ainsi fait, il faut 10 marques positives pour 1 négative
- elles sont gratuites et inépuisables
- une personne préféra recevoir des marques d’attention négatives que rien du tout.
A garder à l’esprit en terme de compréhension de certains comportements : crises chez l’enfant, comportements difficiles, notamment dans les « quartiers à problèmes »…
Les marques d’attention conditionnelles et inconditionnelles
Les marques d’attention conditionnelles touchent au comportement de la personne. C’est un manager qui dit à un membre de son équipe qu’il l’apprécie quand il rend un rapport à temps. Un parent qui félicite son enfant quand il obtient tel résultat.
les marques d’attention inconditionnelles touchent l’être de la personne. Dire que vous appréciez cette collègue pour son sens des responsabilités ou son ouverture, par exemple. Ou encore simplement écouter son point de vue avec respect et sans l’interrompre pendant une réunion alors que vous n’êtes pas d’accord avec elle.
Les facteurs qui influencent l’impact des marques d’attention
- Les marques d’attention négatives sont, nous l’avons vu plus haut, dix fois plus fortes que les positives
- les marques d’attention inconditionnelles sont plus fortes que les conditionnelles
Lors d’un séminaire, j’ai entendu un formateur dire qu’avec les enfants, il fallait éviter les marques d’attention inconditionnelles. Son argumentation était que si vous dites à votre enfant que vous l’aimez quoi qu’il fasse, il ne fera plus rien et ce serait donc favoriser l’échec scolaire. La logique est compréhensible mais à mon sens potentiellement dévastatrice. Le formateur part du principe que la reconnaissance parentale conditionnelle aux résultats ( l’effort fourni, les points, les classements, les trophées) serait le seul facteur de motivation de l’enfant. L’échec serait donc à envisager lorsque l’enfant se dit que ses parents l’aimeront même si il ne fait rien. Je ne peux que m’opposer farouchement à cet état d’esprit! Dans de telles conditions, imaginez les ravages que cause l’échec quand l’enfant a pourtant tout fait pour réussir. Quel impact sur cet enfant alors qu’il est persuadé que ses parents ne l’aiment que quand il « fait bien» ?
Grandir dans un environnement soutenant et bienveillant est fondamental pour le développement de l’enfant et pour l’estime de soi. Dans le monde actuel, si votre pire crainte est que votre enfant soit tellement sûr de votre amour pour lui qu’il serait tenté « d’en faire moins » pour le mériter, vous pourrez vous estimer heureux (enfin surtout lui). D’autant que dans une telle relation, il sera toujours possible de chercher avec lui, des sources de motivations intrinsèques qui l’amèneront là où il voudra aller.
- les marques d’attention spécifiques auront plus d’impact.
- par exemple, plutôt que « j’aime bien ce que tu dis », préférez « j’ai aimé quand tu as dit cela à tel moment »
- plus elle est spécifique, plus elle est souvent recevable, d’autant plus si la personne n’a pas l’habitude d’en recevoir. Faites attention à ce propos, si elle n’a vraiment pas l’habitude d’en recevoir et que la marque est trop forte, elle pourrait traduire une remarque positive en négative : « Elle se moque de moi ou pas? »
- les marques d’attention sincères, personnalisées et contextualisées ont évidemment plus d’impact. Une même formule répétée systématiquement par un supérieur à tout un chacun pourra non seulement perdre toute force positive mais être perçue négativement.
- le moment est également important, ainsi plus elle sera donnée rapidement plus elle sera efficace.
- mieux vaut privilégier la qualité de la marque d’attention que la quantité
Changer les habitudes et favoriser les marques d’attention positives
Si il fallait encore convaincre de l’importance des marques d’attention sur le développement, imaginez l’expérience suivante: Deux groupes d’égales compétences s’affrontent dans une série d’épreuves. Dans le premier groupe, le leader encourage et valorise son équipe pendant les épreuves alors que dans le second, il critiquera en relevant les erreurs. Vous pouvez être sûr que la différence, en terme de résultats, sera flagrante.
Or, dans le monde actuel, que ce soit en entreprise ou dans l’éducation, il est plus courant de relever ce qui ne va pas que de souligner ce qui va bien. Alors que les conflits sont fréquents en cas de désaccords, à quand remonte la dernière fois où vous avez dit à un collègue que avez apprécié tel mail ou telle intervention? Ou à votre enfant que sa curiosité était une qualité essentielle? Par contre, quand il vous pose une question et que « ce n’est pas le moment! », la remarque fuse presque chaque fois, non?
N’y aurait-il pas lieu de changer cette habitude que nous, de toujours relever le négatif en considérant le positif comme allant de soi? Si nous agissons de cette manière, ce n’est ni par méchanceté ni même consciemment. Dès la prime enfance, un bébé apprend que si il a faim, il doit pleurer, manifester sa colère contre cet état de fait, et si il le fait bien, le lait arrivera.
Une histoire pour conclure : La stratégie du dauphin
L’anthropologue Gregory Bateson a passé de nombreuses années à étudier les structures de communication des dauphins et des marsouins.
Le centre de recherches avec lequel il collaborait présentait régulièrement au public des spectacles utilisant les animaux observés – parfois jusqu’à trois par jour. Les chercheurs avaient décidé de montrer au public la manière dont ils entraînaient un dauphin à accomplir un tour. Un dauphin était transféré du bassin de repos dans le bassin de démonstration, face au public. L’entraîneur attendait jusqu’à ce que le dauphin montre un comportement remarquable (aux yeux des humains, bien entendu), comme par exemple sortir la tête de l’eau d’une certaine manière. L’entraîneur donnait alors un coup de sifflet et jetait un poisson au dauphin. Il attendait ensuite que le dauphin répète éventuellement ce comportement, sifflait et lui donnait un nouveau poisson. Le dauphin avait rapidement appris quoi faire pour obtenir un poisson et levait souvent la tête, offrant par ce geste une démonstration brillante de sa capacité à apprendre.
Quelques heures plus tard, cependant, le dauphin avait été ramené dans le bassin de démonstration pour un deuxième spectacle. Il commença naturellement à lever la tête hors de l’eau, comme il le faisait dans le premier spectacle, et attendit le coup de sifflet et le poisson. L’entraîneur, bien entendu, ne voulait pas que le dauphin refasse le même tour, mais plutôt qu’il montre au public comment il en apprenait un nouveau. Après avoir passé environ les deux tiers de la séance à répéter sans arrêt le même tour, le dauphin se sentit frustré et commença à agiter la queue. L’entraîneur siffla immédiatement et lui jeta un poisson. Le dauphin, surpris et confus, agita à nouveau prudemment la queue, et reçut à nouveau sifflement et poisson en retour. Très vite il agita joyeusement la queue, démontrant brillamment par ce mouvement sa capacité d’apprentissage; il retourna ensuite dans son bassin.
Au troisième spectacle, après avoir été transféré dans le bassin de démonstration, le dauphin obéissant commença à agiter la queue, comme il l’avait appris lors de la session précédente. Cependant, comme l’entraîneur voulait lui faire apprendre quelque chose d’autre, il ne fut pas récompensé. Une nouvelle fois, durant les deux tiers de la séance d’entraînement il répéta le mouvement de la queue, devenant de plus en plus frustré jusqu’à ce que finalement, exaspéré, il fasse quelque chose de différent, comme tourner sur lui-même. L’entraîneur donna immédiatement un coup de sifflet et lui jeta un poisson. Après qu’il eut bien appris à tourner sur lui-même face au public, il fut ramené dans son bassin.
Durant quatorze spectacles le dauphin répéta ce comportement – les deux tiers de la séance, des répétitions inutiles du comportement précédent jusqu’à ce que, apparemment “par accident”, il entame un nouveau comportement remarquable et soit capable de terminer brillamment la démonstration d’apprentissage.
A chaque séance cependant, le dauphin se sentait de plus en plus perturbé et frustré d’être “fautif”; l’entraîneur estima nécessaire de briser les règles de l’entraînement et donna périodiquement au dauphin des poissons “non mérités”, afin de préserver leur relation. Si la frustration du dauphin était devenue trop importante, il aurait refusé de coopérer avec l’entraîneur, ce qui aurait créé un sérieux contretemps, tant dans les recherches que dans les spectacles.
Finalement, entre la quatorzième et la quinzième séance, le dauphin parut devenir fou d’excitation, comme s’il avait découvert une mine d’or. Lorsqu’il fut amené dans le bassin de démonstration pour le quinzième spectacle, il présenta huit comportements distincts nouveaux – dont quatre n’avaient jamais été vus effectués par son espèce
Cette histoire est reprise d’un article qui reprend également le parallèle que fait Robert DILTS avec le coaching. Ces remarques se prêtent à mon sens tout autant au management et à l’éducation.
N’hésitez pas à me laisser un commentaire et dire ce que vous en pensez.
Cette article est le premier de la série « Touch Of Coaching »
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