Cet article traduit de Lesley Sword explore et explique l’intensité émotionnelle chez les surdoués. Plusieurs caractéristiques de l’intensité émotionnelle y sont décrites. Des stratégies sont suggérées aux parents pour aider leurs enfants surdoués souffrant d’intensité émotionnelle à s’accepter tels qu’ils sont.
La douance comporte un aspect émotionnel autant qu’intellectuel. La complexité intellectuelle va de pair avec la profondeur émotionnelle. Tout comme les enfants surdoués réfléchissent d’une manière plus complexe et intense que les autres enfants, leurs émotions sont également plus complexes et plus intenses.
La complexité peut être perçue à travers une gamme d’émotions que les enfants surdoués peuvent ressentir n’importe quand et cette intensité est évidente dans le jusqu’au-boutisme que les parents et enseignants de surdoués connaissent si bien.
L’intensité émotionnelle des surdoués ne les fait pas ressentir plus de choses que les autres, mais résulte d’une manière différente d’appréhender le monde : plus éclatante, prenante, pénétrante, globale, complexe et intimidante, organique.
L’intensité émotionnelle peut se présenter de différentes manières :
- intensité d’émotions positives, négatives, simultanément positives et négatives, émotions extrêmes, émotions complexes variables d’un instant à l’autre, profonde empathie envers les émotions d’une autre personne, rire et larmes simultanés.
- somatique : le corps vit les émotions et les sentiments s’expriment souvent sous forme de symptômes physiques, comme les pertes d’appétit, le moral en berne, les rougissements, les migraines ou les nausées.
- inhibition : timidité.
- mémoire affective marquée : les enfants souffrant d’intensité émotionnelle peuvent se souvenir des émotions qui accompagnaient un incident et peuvent les revivre et les ressentir bien après les faits.
- craintes et anxiété, sentiment de culpabilité ou d’avoir perdu tout contrôle.
- inquiétudes face à la mort ou dépression.
- liens émotifs envers les autres, empathie et préoccupation face au bien-être des autres, sensibilité dans les relations avec les autres, attachement aux animaux, difficulté à s’ajuster à tout nouvel environnement, solitude, conflits avec autrui quant à la profondeur des relations établies.
- évaluation et jugement personnels critiques, sentiment de ne pas être à sa place ou la hauteur.
De nombreuses personnes semblent ignorer que les émotions intenses font partie de la douance et l’intensité émotionnelle est donc peu étudiée. Historiquement, l’expression « intensité émotionnelle » était synonyme d’instabilité émotionnelle plutôt que d’une vie intérieure foisonnante. La vision occidentale classique est que les émotions et l’intelligence sont distinctes et opposées. Pourtant, il existe un lien indéniable entre les deux et, combinées, elles ont un impact certain sur les personnes douées. C’est l’intensité émotionnelle qui alimente la joie de vivre, la passion d’apprendre, la motivation nécessaire pour exprimer un talent ou atteindre un but.
Tout ressentir plus profondément que les autres peut être douloureux et effrayant. Les personnes douées qui souffrent d’intensité émotionnelle se sentent parfois anormales : « Il y a quelque chose qui cloche chez moi… peut-être que je suis fou/folle… personne d’autre ne ressent la même chose… ». Ces personnes sont parfois déchirées, se montrent critiques envers elles-mêmes, souffrent d’une grande anxiété et se sentent inférieures. La communauté médicale considère qu’il s’agit là de symptômes et conclut que ces personnes sont névrosées. Cependant, de telles manifestations sont inhérentes à la douance et fournissent la motivation dont les personnes douées ont besoin pour leur croissance personnelle et leur réussite.
Il est extrêmement important que les enfants doués apprennent que leur sensibilité exacerbée aux phénomènes qui les entourent est normale. Sinon, ils pourraient considérer cette intensité comme une preuve que quelque chose ne tourne pas rond chez eux. Les autres enfants pourraient se moquer d’un enfant surdoué qui réagirait fortement à un incident sans importance, accroissant encore le sentiment de différence de cet enfant. De plus, la sensibilité face à l’injustice et l’hypocrisie peut pousser de nombreux enfants surdoués à la dépression ou au cynisme dès leur plus jeune âge.
La chose la plus importante à apprendre à ces enfants est d’accepter leurs émotions : ils doivent se sentir compris et soutenus. Expliquez-leur que leurs sentiments intenses sont normaux parmi les enfants surdoués. Aidez-les à utiliser leur intelligence pour mieux se connaître et s’accepter tels qu’ils sont.
Les parents doivent instaurer une discipline puisque cela permet de développer un sentiment de sécurité qui mène à l’établissement d’une autodiscipline et à un sentiment de compétence émotionnelle. Une discipline adéquate est l’application constante des valeurs, règles et comportements importants au sein de la famille. Expliquez les avantages de ces règles à vos enfants et faites-les respecter par l’exemple.
Discutez ouvertement de vos sentiments, négatifs ou positifs. Vous pourriez utiliser une échelle émotionnelle pour initier la discussion : sur une échelle de 1 à 10, comment te sens- tu aujourd’hui ? Prenez le temps d’écouter les idées, opinions et sentiments de vos enfants. Ne portez pas de jugement, ne les interrompez pas, ne leur faites pas la morale, ne les distrayez pas, ne leur donnez pas de conseils.
Apprenez à apprécier leur sensibilité, leur intensité et leur passion. Ne tentez pas de minimiser l’importance de leurs émotions sous prétexte que leur douleur vous met mal à l’aise. Dire « tu es trop sensible », « arrête ça » ou « ça va aller » ne sert à rien.
Rassurez-les lorsqu’ils ont peur et aidez-les à trouver un moyen pour exprimer leurs émotions intenses par le biais d’histoires, de poèmes, d’œuvres artistiques, de musique, d’un journal intime ou d’activité physique. Comprenez leur frustration lorsque leurs capacités physiques ne correspondent pas à leurs aptitudes intellectuelles et aidez-les à gérer ce décalage. Récompensez l’effort, pas uniquement le résultat final. Soulignez leurs forces et n’insistez pas sur leurs défauts.
Comprenez que sensibilité ne signifie pas faiblesse. Donnez-leur des responsabilités adéquates pour leur âge, ne les surprotégez pas du monde qui les entoure ou des conséquences de leurs actes. Souvenez-vous que ce sont des enfants avant tout et que la douance n’est qu’un à-côté. N’attendez pas d’eux qu’ils soient de petits adultes. Le jeu, le plaisir et les loisirs sont essentiels à un développement émotionnel optimal.
Enfin, demandez l’aide d’un professionnel en cas de besoin. Il est important de promouvoir un développement émotionnel sain et de prévenir tout problème social ou émotionnel.
Vous pouvez aider votre enfant surdoué à accepter son monde intérieur et à le voir comme une force. Cela signifie souvent que nous devons apprendre à accepter et apprécier nos émotions et sentiments afin de pouvoir être un modèle pour nos enfants. Parler de nos émotions peut être difficile dans une société qui favorise la pensée rationnelle et logique et qui considère que les émotions sont à l’opposé de la raison. Cependant, si l’intensité émotionnelle est comprise par les parents et les enseignants et si elle est présentée aux enfants comme une force, ceux-ci apprendront à apprécier leur différence. De cette manière, les enfants souffrant d’intensité émotionnelle auront tous les éléments en main pour exprimer leur personnalité unique et utiliser leurs dons et talents avec confiance et plaisir.
Lesley Sword
References
Piechowski, M.M. (1991) Emotional Development and Emotional Giftedness. In N. Colangelo & G. Davis (Eds.), Handbook of Gifted Education. Needham Heights, MA: Allyn & Bacon
Piechowski, M.M. (1979) Developmental Potential. In N. Colangelo &T. Zaffran (Eds.), New Voices in Counseling the Gifted. Dubuque, IA : Kendall/Hunt.
Traduction libre de l’article disponible sur http://www.davidsongifted.org/db/Articles_id_10240.aspx